Les écoutes de masse de populations entières ne sont pas seulement
une réalité, c’est une nouvelle industrie secrète existant dans plus de
25 pays.
Un mauvais film
On dirait un mauvais film, mais les systèmes d’interception de masse,
fabriqués par des entreprises occidentales et utilisés également contre
les «opposants politiques», sont aujourd’hui une réalité. Le 1er
décembre dernier, Wikileaks a entamé la publication d’une base de
données de centaines de documents venant de près de 160 entreprises de
renseignement de l’industrie de la surveillance de masse. En
collaboration avec Bugged Planet et Privacy International, ainsi que les
medias de six pays – L’ARD en Allemagne, Le Bureau of Investigative
Journalism au Royaume Uni, The Hindu en Inde, L’espresso en Italy, OWNI
en France et le Washington Post aux États-Unis – Wikileaks met en
lumière cette industrie secrète dont la croissance a explosé depuis le
11 Septembre 2001 et qui représente des milliards de dollars chaque
année. WikiLeaks a publié 287 documents, mais le projet «Un monde sous
surveillance» est lancé, et de nouvelles informations seront publiées
dans l’année qui vient.
Le plus grand secret
Les entreprises de surveillance internationales sont situées dans les
pays disposant des technologies les plus sophistiquées, et ils vendent
leur technologie dans tous les pays du monde. Cette industrie est, en
pratique, non régulée. Les agences de renseignement, les forces
militaires et les autorités policières sont donc capables d’intercepter
sans être détectées, massivement et dans le plus grand secret, les
appels téléphoniques, et de prendre le contrôle d’ordinateurs sans même
que le fournisseur d’accès ne s’en rende compte ou n’apporte son aide.
La position des utilisateurs peut être suivie à la trace s’ils ont sur
eux un téléphone mobile, même si celui-ci est en veille.
L’industrie des équipements de surveillance
Mais les dossiers du «monde sous surveillance» de WikiLeaks vont plus
loin que de simples «bons pays occidentaux» exportant leur technologie à
«de mauvais pays en développement». Les sociétés occidentales vendent
aussi un vaste catalogue d’équipements de surveillance aux agences de
renseignement occidentales. Dans les histoires classiques d’espionnage,
les agences de renseignement comme la DGSE ou le MI5 mettent sur écoute
les téléphones d’une ou deux personnes d’intérêt. Lors des dix dernières
années, c’est la surveillance de masse sans discrimination qui est
devenue la norme. Des sociétés de renseignement comme VASTech ont
secrètement vendu des équipements enregistrant de manière permanente les
appels téléphoniques de nations entières. D’autres enregistrent la
position de tous les téléphones portables d’une ville, avec une
précision à 50 mètres. Des systèmes capables d’infecter l’intégralité
des personnes d’une population cible utilisant Facebook ou possédant un
smartphone sont en vente dans ce marché du renseignement.
La vente d’outils de surveillance aux dictateurs
Lors du printemps arabe, quand les citoyens ont renversé les
dictatures en Tunisie et en Egypte , ils ont découvert les chambres
d’écoute où des équipements britanniques de Gamma, français d’Amesys,
sud-africains de VAStech, chinois de ZTE suivaient leurs moindres
mouvements en ligne et par téléphone.
Des entreprises de renseignement telles que SS8 aux États-Unis,
Hacking Team en Italie et Vupen en France fabriquent des virus (chevaux
de Troie) qui piratent les ordinateurs et les téléphones (y compris les
iPhone, BlackBerry et Android), en prennent le contrôle, enregistrent
tous les usages, mouvements et même les images et sons provenant de la
pièce où ils se trouvent. D’autres sociétés, comme Phoenexia en
République Tchèque, collaborent avec les militaires pour créer des
outils d’analyse de la voix. Ils identifient les individus en
déterminant leurs genre, âge et niveau de stress et les suivent ainsi
grâce à leurs «empreintes vocales». Blue Coat, aux USA, et Ipoque, en
Allemagne, vendent des outils aux gouvernements de pays comme la Chine
et l’Iran pour empêcher que les dissidents ne se fédèrent par Internet.
Trovicor, une filiale de Nokia Siemens Networks, a fourni au
gouvernement de Bahrein des technologies d’écoute qui ont permis de
pister le défenseur des droits de l’homme Abdul Ghani Al Khanjar. Des
détails de conversations sur son téléphone mobile personnel datant
d’avant qu’il soit interrogé et battu durant l’hiver 2010-2011 lui ont
été montrés.
Les entreprises de surveillance partagent vos données avec l’État
En janvier 2011, la N.S.A. a inauguré un site dans le désert de
l’Utah destiné à stocker à jamais des téraoctets de données tant
américaines qu’étrangères, afin de les analyser dans les années à venir.
Le tout pour 1,5 milliard de dollars.
Les entreprises de télécommunications sont disposées à révéler les
données sur leurs clients aux autorités, quel que soit le pays. Les gros
titres lors des émeutes au Royaume-Uni en août ont montré comment
Research In Motion (RIM), qui commercialise les BlackBerry, a proposé au
gouvernement d’identifier ses clients. RIM a participé à des
négociations similaires avec les gouvernements indien, libanais, ceux
d’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, leur proposant de partager
les données issues de BlackBerry Messenger.
Il existe plusieurs entreprises qui commercialisent actuellement des
logiciels d’analyse de données, transformant celles-ci en de puissants
outils utilisables par les militaires et les agences de renseignement.
Par exemple, dans des bases militaires aux États-Unis, des pilotes de
l’Armée de l’air utilisent un flux vidéo et un joystick pour piloter des
drones Predator lors de missions de surveillance au Moyen-Orient ou en
Asie centrale. Ces données sont accessibles à des membres de la CIA
(Central Intelligence Agency) qui s’en servent pour lancer des missiles
Hellfire sur leurs cibles.
Les représentants de la CIA ont acheté des logiciels leur permettant
de corréler instantanément des signaux téléphoniques et des empreintes
vocales, pour déterminer l’identité et la position d’individus.
L’entreprise Intelligence Integration Systems Inc. (IISI), basée dans
l’État du Massachusetts, commercialise dans ce but un logiciel
«d’analyse basée sur la position» appelé Geospatial Toolkit. Une autre
société, Netezza, elle aussi du Massachusetts, et qui a acheté ce
logiciel, en a prétendument analysé le fonctionnement et en a vendu une
version modifiée à la CIA, version destinée à équiper des drones pilotés
à distance.
IISI, qui indique que son logiciel a une marge d’erreur de plus de 12
mètres, a porté plainte contre Netezza pour en empêcher l’utilisation.
Le créateur de la société IISI, Rich Zimmerman, a déclaré devant un
tribunal qu’il a été «stupéfait et abasourdi que la CIA envisage de tuer
des gens avec mon logiciel qui ne fonctionne pas».
Un monde orwellien
Partout dans le monde, les fournisseurs d’outils de surveillance
massive aident les agences de renseignement à espionner des particuliers
et des «groupes d’intérêt» à grande échelle.
Parcourir les documents du projet «un monde sous surveillance»?
Le projet «Un monde sous surveillance» de Wikileaks révèle dans le
détail quelles sociétés font des milliards en vendant des systèmes de
surveillance sophistiqués aux gouvernement acheteurs, passant outre les
règles d’export et ignorant superbement que les régimes auxquels ils
s’adressent sont des dictatures ne respectant pas les droits de l’homme.
Pour chercher dans ces documents, cliquez sur le lien dans le panneau
à gauche de cette page pour obtenir la liste par type, compagnie, date
ou par mot-clé.
(Allez sur le site de la source de ce document)
Pour visualiser ces sociétés sur une carte du monde,
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Par
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